Comment choisir ses élus ?
Comment choisir ses élus ?

Comment choisir ses élus ?

question-reponseIntroduction

Suite à ma dernière tribune sur le cœur de bourg de Plougonvelin, j’ai été interpelé sur d’une part le fait de savoir si cette tribune était une déclaration de candidature et d’autre part depuis quand j’habitais Plougonvelin (et donc en substance au bout de combien de temps serait-on « éligible » lorsque l’on n’est pas né dans la commune).

Pour la première question, la réponse était simple et je la redonne ici : « Si candidature il doit y avoir un jour, elle sera clairement présentée comme telle. » Dans ma tribune, j’exposais un certain nombre d’éléments, libre à qui le veut de les faire siens.

J’ai pris un peu de temps pour répondre à la seconde question car elle me semble revêtir pas mal de dimensions et éventuellement de non-dits, en particulier celui de la « légitimité« .

La réponse la plus simple et la plus factuelle

Si je dois répondre à la question en la prenant au pied de la lettre, ma famille et moi-même habitons à Plougonvelin depuis 2008 (le temps passe…).

La réponse la plus polémique

Si je devais me mettre dans la peau d’un candidat « du coin » très conservateur, je pourrais répondre que quelle que soit la date d’arrivée dans la commune, du moment qu’un adversaire réel ou potentiel n’y est pas né ce ne sera jamais assez. Jeter ainsi l’anathème serait très commode pour éviter de parler des projets politiques.

J’espère qu’on nous épargnera ce genre de réponse limite xénophobe qui n’apporterait que divisions et rejets dans une commune qui au contraire montre tous les jours à travers ses associations combien elle cherche à réunir les gens et combien elle met en avant l’action collective pour le bien de tous.

La réponse la plus républicaine

Si je dois répondre du point de vue des institutions de la République, la réponse est que l’on s’en moque. Le temps depuis lequel une personne habite une commune n’entre pas en ligne de compte pour qualifier un candidat à une élection.

La République traite à égalité les droits de ses citoyens et cela est même inscrit au frontispice de la plupart de nos mairies. Faire respecter l’égalité des droits est un combat de tous les jours, mais celui là est sans doute l’un des plus ancrés dans la culture de notre pays.

Alors, et la légitimité d’un(e) candidat(e) dans tout cela ?

Si la réponse du temps de résidence dans notre commune n’est par la bonne, il n’est demeure pas moins que la question de fond reste belle et bien posée : qu’est-ce qui qualifie un(e) candidat(e) et un(e) élu(e) ?

Commençons par prendre comme point de départ les réflexions d’un Plougonvelinois qui bénéficie à la fois d’une longue expérience en la matière et n’est pas suspect d’ambitions personnelles. Dans son dernier ouvrage, Itinéraire improbable mais cohérent, Louis Caradec nous livre quelques éléments :

Il faut quelqu’un de costaud ! Pour que les gens aient confiance en un candidat, il faut qu’il s’impose et donc que les gens ressentent une autorité naturelle. Par ailleurs la commune est devenue plus homogène. Il faut en profiter pour poursuivre le travail de concertation.

Un caractère solide et une pensée structurée donc. Du charisme et une vraie démarche d’écoute et de travail collectif.

Dans un ouvrage plus ancien, Fortunes de Maire, il traçait également un portrait idéal de maire en forme de bestiaire :

Le calme du sphinx,

La patience du baudet,

La souplesse du tigre,

La fidélité du chien,

La ruse du renard,

La carapace du crocodile

La noblesse du cheval

et la fierté du lion

Des qualités personnelles donc.

Cela suffit-il ? Je pense que non. Les qualités de la personne sont fondamentales, mais un candidat ayant toutes ces qualités peut aussi ne pas correspondre du tout à son époque. L’époque fait autant le maire que les qualités de l’individu.

Pendant longtemps, le choix du maire et de son conseil municipal tenait plus de l’acte de reconnaissance aux notables et aux bonnes volontés qu’au choix d’un projet politique. Et cela a fonctionné ainsi très longtemps à Plougonvelin. En fait, cela a fonctionné jusqu’à… Louis Caradec.

A-t-il élu pour ses qualités ? Au départ non et il a même été perçu plutôt comme le chevelu impétueux refusant de rester à sa place. Mais Louis, plus que tout autre à Plougonvelin, incarnait l’époque, c’est à dire une mutation rapide et profonde de la société, la modernisation (même si en l’occurrence, pour le pays comme pour la commune, tout n’a pas été que réussite).

C’est autant l’époque que son audace et sa farouche volonté qui ont fait de lui un maire.

Et donc, à quelle époque sommes-nous ?

Les deux derniers maires sont les produits des mandats Caradec. Mais ils n’en sont pas pour autant les héritiers en toutes choses : tous les deux ont été des gestionnaires, pas des transformateurs de la société plougonvelinoise. Ils se sont surtout évertués à gérer leur propre héritage de premier adjoint.

L’époque est-elle donc aux gestionnaires ? Non, elle ne l’est plus, très loin de là, voici pourquoi.

Changements démocratiques

Les mœurs politiques des Français ont profondément changé. La Vème République est en très grande difficulté et l’aspiration des citoyens tend vers une présence plus forte de leur part dans la prise des décisions, au moins au plan local. Les citoyens aspirent de plus en plus à une forme de démocratie plus directe et se méfient de la démocratie représentative. Un élu ne peut plus exercer son mandat dans la solitude de son bureau, quelles que soient ses qualités.

Un vent de dégagisme est par ailleurs à l’œuvre depuis plusieurs années. Et n’était-ce pas ce même type de vent qui a porté jadis Louis Caradec à la mairie ?

Numérisation du monde

Tous les aspects de nos vies, et nos vies elles même, se numérisent avec une rapidité aussi incroyable que non maîtrisée.

La future équipe municipale devra accompagner ce changement inévitable. Accompagner l’économie locale et accompagner les citoyens qui se retrouvent de plus en plus dépossédés de leurs libertés faute de savoir maîtriser cette numérisation galopante.

L’exercice des missions de la municipalité lui-même devra être numériquement maîtrisé.

Changements climatiques et environnementaux

Jusqu’ici, le changement climatique était soit un sujet d’experts, soit un sujet de polémique au café du commerce. Aujourd’hui, c’est un sujet d’inquiétude qui a commencé à se matérialiser au quotidien.

La prochaine équipe municipale devra avoir intégré beaucoup plus que quelques éléments de langage à la sauce verte. Et en plus, sur ce sujet elle devra avancer sans avoir aucune référence du passé sur laquelle s’appuyer. Le monde de demain est inédit à l’échelle de notre civilisation.

Conclusion

Alors, à chacun de se faire sa définition de la légitimité des candidats et au-delà son portrait du maire idéal. Mais même si la Vème République a tendance à sacraliser les personnes qui occupent une telle fonction, il ne faut pas oublier qu’un individu n’ayant pas de capacités à rassembler les compétences et les volontés n’a que peu de chances d’être un bon maire.

À chacun également de voir s’il considère que nous sommes dans une époque qui requiert un gestionnaire ayant plus ou moins fait ses preuves ou si au contraire il faut se trouver un capitaine et un équipage qui acceptent de prendre la mer par gros temps, et qui présentent quelques éléments permettant de penser qu’il en sont capables. Des gens « costauds en qui on a confiance !« .

Toujours est-il qu’il est bon d’y réfléchir et d’éviter de donner une réponse trop rapide ou trop simple, surtout si vous considérez vous aussi que nous ne sommes pas dans une époque où demain sera comme hier.

Philippe RIS

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