Préambule
Jusqu’ici je me suis exprimé sur Cœur de Bourg principalement au titre de président du Kafe Citoyen et mes déclarations devaient donc refléter au maximum une synthèse des positions des membres du Kafe.
Pour cette tribune, je souhaiterais aller plus loin en exprimant cette fois des choses qui reflètent principalement mon opinion personnelle qui porte naturellement sur le sauvetage de l’école mais inclut un ensemble de considérations sur l’ensemble du projet Cœur de Bourg.
Je rappellerai en préambule que comme la grande majorité des habitants de Plougonvelin, je trouve nécessaire de redynamiser notre bourg qui décline depuis bien longtemps. Ce déclin est imputable autant à la municipalité actuelle qu’à la précédente. La majorité Gouerec a eu le mérite de vouloir s’attaquer au problème mais au regard du projet et des oppositions à ce projet, elle a dores et déjà échoué sur pas mal de points.
Un échec démocratique et une absence de vision partagée
Faire le constat d’un problème est bien, mais dans le cas présent, il faut avoir une vision forte et partagée pour résoudre le problème. Or dans ce projet, la vision est totalement absente et la communication inappropriée et malhabile qui a été faite n’avait aucune chance d’entraîner un large partage.
Lorsque l’on veut créer une dynamique d’adhésion sur ce genre de projet, la première question à laquelle il faut répondre c’est : quelle identité architecturale doit avoir le bourg ou, dit autrement, comment définir un « style Plougonvelin » applicable à notre bourg ?
Doit-on créer une architecture de bord de mer en s’appuyant sur le Trez Hir des années 1900 ? Doit-on privilégier une architecture de village agricole ? Doit-on adopter le style néo-breton ? Doit-on faire quelque chose de moderne (ce qui est proposé) ? Doit-on s’inspirer des communes alentours ?
Personnellement j’aime l’idée de partir du/des styles du XIXème siècle car il y avait à l’époque un vrai charme qui perdure tout en étant adaptable à notre époque moderne. En tout cas c’est un choix qui peut et qui doit être fait en concertation large avec la population. Cela peut être la base de la définition d’une cohérence architecturale durable pour notre commune. Il aurait fallu commencer par cela.
Cette vision du bourg une fois définie aurait pu alors être accompagnée d’autres objectifs politiques forts (énergie, climat et vivre ensemble en particulier) et soumise à une démarche citoyenne incluant au minimum la concertation et si possible la co-construction. Dans ce projet, nous n’avons eu qu’une information.
Un échec écologique
Depuis la perte d’influence des climato-sceptiques et les résultats des dernières élections européennes, il est de bon ton de se déclarer écologiste même lorsque son parcours de vie avait jusque là été très pudique sur le sujet. Par ailleurs le mot « écologie » peut être trompeur tant il recouvre de notions différentes.
Toujours est-il que pour un tel projet d’urbanisme, il est plus que nécessaire d’afficher des ambitions environnementales et de prise en compte du changement climatique. Ici, la seule ambition écologique du projet est de se conformer aux normes en vigueur ce qui n’est pas à la hauteur de l’urgence et des enjeux.
Pour ma part, je pense qu’il faut tendre vers la neutralité énergétique et carbone et que la restructuration du bourg est une excellente occasion de montrer la voie. Pourquoi par exemple a-t-on fait l’impasse sur l’utilisation des toits pour installer des capteurs solaires pour l’eau et l’électricité ? Et si le coût est un obstacle, pourquoi la municipalité n’achèterait-elle ou ne louerait-elle pas ces toits pour investir elle-même et produire de l’énergie ?
Quant à la neutralité carbone, pour l’instant il est relativement aisé de réduire son empreinte : tant qu’il y a de la place pour planter des arbres, il est assez simple de compenser les émissions d’un tel projet. Hélas notre municipalité a plutôt pris l’habitude d’en couper beaucoup et d’en planter peu !
Un échec économique annoncé
Depuis qu’il est connu, les aspects économiques du projet étonnent. L’idée de départ était pourtant saine : faire de la mixité locaux d’habitation / locaux commerciaux pour recréer un point d’attraction économique viable. Mais rapidement, nous avons pu comprendre que le projet se basait sur un simple jeu de déplacement des commerces existants. Puis nous avons constaté que les commerces sollicités soit n’avaient pas l’intention d’investir sans espoir de retour sur investissement réaliste, soit avaient carrément décidé de quitter le bourg.
Quant au centre médical, de trop nombreuses expériences en France montrent hélas que cela fonctionne rarement, en tout cas surtout pas lorsque cela émane de la volonté d’une municipalité et pas des praticiens eux-même. Par ailleurs, aujourd’hui le centre médical de Plougonvelin existe de fait puisque sur une centaine de mètres sur le haut de la rue Saint Yves on trouve les médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes et infirmières qui auraient pu se retrouver dans ce centre et qui manifestement ne se précipitent pas pour y aller. La bonne politique en la matière est de les aider là où ils sont.
Échec probable également en ce qui concerne l’attraction de commerces nouveaux. Mais pour les attirer, encore aurait-il fallu communiquer sur un projet ambitieux et dynamique. Pour les attirer, faut-il encore faciliter leur installation voire mettre en place des aides au démarrage sur les premières années. Et enfin, faut-il avoir ne serait-ce qu’un début d’idée sur ce qu’est le commerce dans notre monde qui change et se numérise à très grande vitesse. Où est l’innovation économique de ce projet ? Où est la force de la vision d’un maire qui prétend rebâtir le cœur de sa commune ? On ne mène pas ce genre de projet avec la frilosité d’un gestionnaire. Et d’un mauvais gestionnaire car si le projet n’est au final pas économiquement viable, la commune qui n’a pas encore soldé les passifs de Keraudy et de la piscine va se retrouver avec des locaux vides à prendre à sa charge en plus d’un bourg désert.
Un échec d’urbanisme
Le projet en l’état est globalement insipide et en détruisant l’école il effacerait une bonne partie de l’histoire du bourg et son cachet. Or l’école n’est pas un problème, c’est même la solution. Ce symbole républicain a la particularité d’être traversante ce qui pourrait être utilisé pour faire passer les gens de la place de Gaulle directement au cœur du bourg sur une jolie place des « hirondelles », faisant alors de la rue Penn Ar Bed un lieu carrefour essentiel pour le développement économique du cœur du bourg.
De nombreuses idées ont aussi été proposées pour réhabiliter cette école, parmi lesquelles je retiendrai celle d’y mettre une antenne du syndicat d’initiative et de créer une classe musée. L’attractivité touristique est une des clés du succès du projet. Et n’oublions pas non plus de sauver les autres vieilles pierres là où c’est possible.
Inclure une auberge de jeunesse ou quelque chose d’équivalent compléterait utilement cette attractivité. Quant à l’habitat social, là aussi si je partage l’ambition de la mixité sociale, quelle absurdité sur sa réalisation ! Ce projet avec ses ascenseurs va faire monter les charges de façon incohérente avec un habitat social et des bâtiments de faible hauteur. Supprimons ces ascenseurs ce qui diminuera les coûts de constructions ainsi que les charges et augmentera la surface habitable et mettons les logements sociaux au rez-de-chaussée.
Au-delà de ces quelques points, on s’interroge sur l’absence de recherche d’innovation sociale dans ce projet. A-t-on essayé d’intégrer les possibilités offertes par les nouveaux usages numériques ? S’est-on posé la question des nouvelles formes de mobilités ? À l’évidence non. C’est absurde, anachronique.
Conclusion
Il semblerait que la municipalité veuille passer en force à l’automne alors même que le recours déposé par le Kafe Citoyen est toujours à l’étude à la DRAC et chez le préfet.
À six mois des élections, sur un projet qui ne faisait pas en l’état partie du programme de la municipalité actuelle et qui impliquerait lourdement la commune sur les années à venir, ce serait un violent déni de démocratie.
Quant au promoteur, il prendrait le risque de voir une fronde se former contre lui, ce qui n’est certes pas son intérêt commercial. Sans compter le fait que ses relations avec la prochaine municipalité pourraient être compliquées s’il passait en force contre le choix des électeurs.
La commune de Plougonvelin a des racines plus que millénaires. Elle a su préserver un chapelet de bâtiments des différentes époques qu’elle a traversées et survivre même aux bombardements de la seconde guerre mondiale.
Alors par respect pour ceux qui nous ont précédé dans cette longue histoire, par respect pour ceux qui expriment leur attachement à l’identité de la commune, par respect pour la démocratie, il semble plus que nécessaire d’attendre quelques mois le résultat des élections de mars 2020 pour que les habitants de la commune de Plougonvelin décident du projet du cœur de leur bourg.