Le langage ordurier ne porte qu’une seule politique : celle de la souffrance infligée au peuple et à la République
Le langage ordurier ne porte qu’une seule politique : celle de la souffrance infligée au peuple et à la République

Le langage ordurier ne porte qu’une seule politique : celle de la souffrance infligée au peuple et à la République

france violence

Date : 08/01/2022

Sujet : à propos de l’article polémiste d’E. Macron

Le début d’année voit le démarrage de la campagne de tous les candidats à l’élection présidentielle. Celle d’E. Macron a débuté d’une façon jugée choquante par une majorité de Français. Factuellement, qu’elle soit ou non jugée ainsi, le langage scatologique et vulgaire du Président dans l’article du JJD pose des questions sur la forme mais aussi sur le fond.

 

Y-a-t-il des précédents dans la Vème République ?

Pour ce qui le concerne, E. Macron était jusqu’ici coutumier des déclarations stigmatisantes et méprisantes : des kwassa-kwassas, aux illettrés de la société GAD en passant par ceux qui ne sont rien, il s’est souvent laissé aller à exprimer un mépris profond par rapport aux Français en difficultés. La différence ici est qu’il ne s’agit pas seulement d’une déclaration orale, une réaction, un instant d’une conversation au débotté, mais d’une déclaration écrite, relue puis confirmée quelques jours plus tard par le porte-parole du gouvernement, puis par lui-même. Le chef de l’État assume donc d’être ordurier et verbalement violent vis-à-vis de plusieurs millions de Français.
 
les déclarations de macron

Ses prédécesseurs se sont parfois laissés à des excès de langage, mais jamais par écrit, jamais dans le cadre d’une communication politique publique et réfléchie.

On se rappellera les propos supposés de F. Hollande sur les pauvres, ou encore le « karsher » (repris il y a quelques jours par V. Pécresse) et le « casse-toi pauvre con » de N. Sarkozy, le langage fleuri de J. Chirac. Plus loin dans l’histoire de la Vème République, on se rappellera les propos de G. Pompidou à ce même Chirac sur le fait qu’il ne fallait pas emmerder les Français. Mais il s’agissait là soit de propos privés (rapportés ou parfois supposés), soit de réactions à chaud et surtout ces propos ne cherchaient pas à stigmatiser, déclasser, humilier des millions de Français pour des raisons d’abord électoralistes et traduisant ensuite un profond mépris social.

Enfin, on peut remonter à C. de Gaulle fondateur de la Vème République qui fustigeait ce qu’il considérait être un trait de caractère des Français avec son « les Français sont des veaux ».

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agissait là encore de propos privés, pas d’une volonté délibérée de stigmatiser et d’humilier publiquement des Français en utilisant toute la force de la communication d’un chef d’État.

 
les francais sont des veaux
Philippe De Gaulle In "De Gaulle, mon père", Entretiens avec Michel Tauriac (2003)

Est-ce grave ou seulement humainement détestable ?

Je pense que la communication ordurière est grave sur la forme, le fait qu’elle soit violente, stigmatisante et hors cadre républicain est gravissime sur le fond.

Problème sur la forme

Nous sommes depuis deux ans dans une pandémie mondiale qui, à ce jour, a tué en France plus de 123.000 personnes.

Nous ne disposons pas encore d’un traitement médical capable de gérer la maladie du covid comme une maladie saisonnière curable. Le vaccin est jusqu’ici la seule approche médicale préventive ayant permis de limiter les impacts aussi bien sur la contamination, la mortalité et par extension la probabilité de mutation du virus.

Le taux de vaccination en France est objectivement très correct en comparaison de nos voisins européens.

taux de vaccination

Alors oui il existe encore plusieurs millions de personnes qui pourraient être vaccinées et qui le refusent. Leurs raisons sont probablement plus émotionnelles que rationnelles, de l’ordre de la croyance plus que de la raison. Oui, depuis un an environ que le vaccin existe, leur choix a probablement abouti à plus de contaminations et de morts, surtout et d’abord au sein même des groupes concernés.

Mais en quoi la forme de communication choisie, c’est-à-dire l’insulte vulgaire, va-t-elle les inciter à changer de position ? Le défit ordurier qui leur est adressé va au contraire les radicaliser, à coup sûr en ce qui concerne leur refus de vaccination mais aussi, pour un certain nombre, les pousser vers l’action violente, le conflit social, la lutte contre un État devenu par la déclaration de son chef une machine ouvertement coercitive, un oppresseur, leur ennemi. Par son discours, E. Macron présente la République comme un système oppresseur où son chef peut décider arbitrairement qu’un citoyen n’est rien.

N’oublions pas enfin, sur la forme toujours, que la position d’E. Macron est en plus institutionnellement faible dans le sens où ce qu’il prétend faire via le passe-vaccinal (la forme, l’outil) n’est qu’un moyen indirect d’obtenir la vaccination des personnes (le fond), parce qu’il n’a pas le courage d’utiliser le moyen direct, à savoir faire voter une loi pour la rendre obligatoire. Quelle serait la différence ? « Emmerder » est une manipulation du comportement des personnes. La loi se fait par le débat parlementaire, c’est à dire via la représentation du peuple souverain. Enfin, dans une République qui fonctionne.

Problème sur le fond

 

Quelques rappels fondamentaux de la constitution de 1958

ARTICLE PREMIER.
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. ../..
 
ARTICLE 2.
../..
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».
 
../..
ARTICLE 5.
Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.
Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.
 

Un chef d’État qui tue l’essence de la Vème République

Le problème sous-jacent le plus important de l’attitude d’E. Macron est qu’il sort complètement du cadre de sa fonction. Tout d’abord, comme le relève C. Viktorovitch dans sa vidéo, le fait qu’il introduise sa déclaration choc par un « j’ai envie » induit clairement qu’il n’agit pas dans le cadre du mandat que lui ont confié ses électeurs, qu’il n’applique pas un programme électoral. Il agit en fonction de ses émotions personnelles, du fait du prince au-dessus des obligations de sa fonction, en particulier du « respect des croyances » (art.1 de la constitution), de l’obligation de fraternité (art.2) et plus généralement qu’il ne procède pas d’un arbitrage juste, équilibré, fondé au service du fonctionnement régulier des pouvoirs qui lui ont été confiés (art. 5).

Dit autrement, le prince décide de stigmatiser une partie de la population, menace de la déchoir de sa citoyenneté sur des critères arbitraires qui n’appartiennent qu’à lui, la désigne à la vindicte. De dérives en excès, les personnes non vaccinées vont-elles devenir les Ouïghours de la France selon E. Macron ?

Rien ne peut justifier une telle attitude lorsque l’on est chef d’un État démocratique. Oui les soignants sont plus qu’excédés de devoir soigner des gens qui se sont eux-mêmes mis en danger. Oui les soignants ont toutes les raisons d’être ulcérés par les insultes et les menaces dont ils sont l’objet. Mais ces menaces ne sont pas celles de toutes les personnes qui ne sont pas vaccinées, juste de quelques extrémistes antivax. Pour aussi compréhensible et justifiée que soit leur position, les professionnels de la santé ne sont pas le chef de l’État. Ce que peut faire ou dire un médecin est à mille lieues de ce que doit dire et faire celui qui dirige la France, une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.

Un autre chemin est-il possible ?

Oui assurément. D’abord, pour réparer un tant soit peu les dégâts, il faudrait qu’E. Macron fasse ses excuses. Mais voilà, c’est ce qu’il a prétendu faire il y a quelques semaines de façon solennelle et le fait qu’il récidive si vite montre au mieux sa versatilité, au pire une duplicité vicieuse.

La République et la pandémie

Les premiers signes de la pandémie sont apparus en France il y a un peu plus de deux ans maintenant. Depuis deux ans, les deux gouvernements qui se sont succédés ont certes dû gérer une crise inédite à laquelle personne n’aurait été mieux préparé, mais ils ont accumulé des erreurs voire des fautes graves. Entre imprévoyance, mensonges, inefficacité logistique, confinement trop tardif, mauvais débats ou mauvais choix, du temps et des vies ont été perdues, mais aucune sanction n’en a découlé. Pire, A. Buzin a même été décorée par une légion d’honneur ! Il n’est pas possible d’espérer entraîner l’adhésion des citoyens lorsque l’on ne reconnait soi-même aucune faute dans une telle situation, lorsque l’on n’est pas exemplaire.

Il est compréhensible que certaines réunions sanitaires doivent se faire de façon confidentielle. Il n’est cependant pas admissible que toutes les réunions qui impactent si fort la vie des Français et le fonctionnement de la République se tiennent sous le sceau du secret défense. Il n’est pas admissible que le parlement se retrouve soit exclu des grandes décisions publiques, soit réduit au rang de chambre d’enregistrement servile. La question de la vaccination est centrale, elle est complexe, elle confronte des arguments contradictoires sur les libertés fondamentales, elle subit les aléas d’un virus qui va plus vite que nos capacités à le vaincre. C’est bien pour cela que les députés et les sénateurs doivent être au coeur des décisions qui modifient les équilibres de la République. C’est bien pour cela que l’outil biaiseux du passe-sanitaire est une lâcheté, ici renforcé par une odieuse communication électoraliste. Que les parlementaires prennent leurs responsabilités au moins une fois pendant ce mandat et qu’ils en rendent compte devant les citoyens !

Il n’y a probablement pas de bonnes solutions tant que cette crise durera. Mais toute solution qui tend à diviser, blesser, ostraciser, fracturer notre Nation est mauvaise. Nous sommes un peuple de citoyens libres dans une République qui est une démocratie. Tant qu’il en sera ainsi, la décision ne reviendra pas à un prince auto-proclamé désireux de pervertir le fonctionnement de la République. Je ne suis qu’un citoyen, un parmi tous les citoyens français, libres et égaux. Je resterai fraternel avec tous autant que faire se peut. Je m’engagerai autant que nécessaire et qu’il me sera possible.

La réflexion, pas la violence

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