Face à l’océan : quelle politique pour sauver notre territoire ?
Face à l’océan : quelle politique pour sauver notre territoire ?

Face à l’océan : quelle politique pour sauver notre territoire ?

Montée des eaux

Date : 12/02/2022

Sujet : Le One Ocean Summit de Brest est terminé. Au-delà de l’événement c’est l’occasion de se poser concrètement la question de la gestion de montée des eaux sur notre territoire.

Nombreuses furent les personnalités politiques à venir s’exprimer lors de cet événement mondial. 
Mais comme l’a dit John Kerry, « Nous ne pouvons pas nous satisfaire de paroles ».
 
Et donc pour nous habitants du nord Finistère, si nous élevons notre regard au niveau de l’horizon national quel bilan tirer du mandat politique qui s’achève et surtout comment commencer à traiter localement nos problèmes à court terme ?
Le maire de Brest oubre le One Ocean Summit

Une prise de conscience, des paroles… un déni

Petites ou grandes, internationales ou locales, les occasions de se réunir pour échanger sur l’impact du changement climatique en général et des océans en particulier ne manquent pas. Le temps paraît bien loin maintenant où le débat se focalisait entre ceux qui comme les acteurs du GIEC défendaient la thèse d’un changement climatique majeur et d’autres qui niaient toute évolution d’ampleur sur le climat de notre planète. Heureusement. Aujourd’hui le peu de contradictions qui demeurent sur le fond concerne plutôt les personnes qui tentent de nier la responsabilité de l’action humaine sur ce changement, ce qui ne change rien au constat : l’eau monte.

Une crise de défiance envers la science

Les modèles scientifiques sont désormais sans ambiguïté : ces modèles ont prédit l’évolution actuelle avec une bonne fiabilité et les travaux continuent pour les améliorer, les rendre plus précis. La science est d’abord une méthodologie expérimentale prédictive. Notre époque semble l’avoir oublié. Notre société ne semble plus le comprendre. Au pays des lumières le débat n’est plus celui de la rationalité. Il est plutôt de l’ordre de la croyance, forte, intérieure et quasi mystique parfois. Il y a fort à parier que c’est l’expression de la peur face à l’inconnu, face à un changement sans équivalent dans le vécu de qui que ce soit et même dans la mémoire de l’humanité.

Une crise du discours et de l’action politique

Que tout un chacun ne comprenne pas tout et ne sache pas quoi faire dans une telle situation n’est pas étonnant, mais c’est pourquoi nous avions choisi une société organisée par un système politique qui délègue le pouvoir à des personnes qui elles sont censées savoir, sont censés avoir les capacités de lire le monde et le courage d’écrire publiquement les chemins vers l’avenir pour nous inviter à les emprunter. C’est cela que le citoyen attend d’une élite issue des urnes et de l’éducation de la République. Or il faut bien constater que nous avons échoué à produire une telle élite. Échoué à la former autant qu’échouer à l’élire.

Le personnel politique de la République, bien qu’éduqué et d’un niveau d’intelligence suffisant, est devenu un marais limité à la capacité de lecture de données standardisées, sans prise de recul, sans capacité de mise en perspective ou de compréhension hors du cadre. Le discours politique qui en découle se limite à une juxtaposition de mots, souvent des anglicismes pompeux, qui ronfle aux oreilles béotiennes mais qui ne porte aucun sens, ne trace aucun chemin hors du marécage, ne lève aucun espoir.

Un clapotis politique face à la force des eaux

En ce qui concerne le sujet précis de la montée des eaux, c’est bien ce que nous constatons. Quelles assemblées politiques Finistériennes portent-elles un message clair et lucide sur l’avenir proche en matière de changement climatique, sur les conséquences sur nos vies, en particulier sur nos côtes ? J’étais il y a quelques semaines à Porspoder à une réunion sur le climat où j’ai voulu poser une question simple à un scientifique membre du GIEC : à quel rythme monte actuellement la mer en rade de Brest ? Du point de vue scientifique, la réponse est claire. D’ici 2100 (soit moins de 80 ans), le scénario moyen du GIEC est d’une augmentation de 70 cm. Par ailleurs, lorsque les services de l’État font une étude sur la prévention des risques, ils semblent prendre désormais un peu de marge avec une hypothèse d’une élévation de 1m à la fin du siècle, soit plus d’1cm par an. Et ce scientifique après une petite hésitation a ajouté : « ça c’est dans le cas du scénario favorable où l’on agit et que l’on réussit à maintenir l’augmentation de température à moins de 2°C. Dans le cas contraire, les modèles ne fonctionnent plus et on ne sait pas prédire ce qui se passerait, tout ce que l’on sait c’est que cela serait beaucoup plus haut et plus rapide ».

Voilà les éléments factuels. Les scientifiques ont fait leur travail mais quel est le bilan de l’action politique depuis l’espoir soulevé par la COP 21 ?

En cinq ans, le Président actuel a-t-il tenu un discours de vérité et agi ? Quel ministre est venu sur le territoire sonner l’alarme ? Quel député a-t-il usé ses chaussures à faire le tour des communes pour mobiliser les maires ?

Au terme de son mandat, E. Macron et ses gouvernements successifs affichent pas mal de déclarations et la mise en place d’une convention citoyenne sur le climat mais d’une façon opérationnelle peu de traductions concrètes et surtout ils affichent une retentissante condamnation inédite pour inaction climatique. De loin cela ressemble à un échec, sur place nous ne voyons rien pour anticiper un avenir difficile.

Plus proche de nous en matière d’environnement marin, à l’issue de son mandat D. Le Gac notre député de la troisième circonscription laissera comme trace majeure de son mandat… la défense de la pêche récréative du bar. Tant mieux pour les amateurs de pêche mais tellement dérisoire face aux combats à mener contre le changement climatique.

Quant à nos élus les plus proches, lequel de nos maires a commencé à mobiliser son conseil municipal, a commencé à travailler avec les associations et les citoyens pour affronter dès aujourd’hui la réalité de l’océan qui menace ? Tout juste en est-on aux constats, à la mise sous forme administrative des alarmes remontées par les scientifiques depuis maintenant plus de 20 ans.

Tout le monde sait qu’il y a un problème majeur mais notre personnel politique semble incapable de passer de la compréhension « intellectuelle » de la crise à la compréhension « viscérale » des choses. La tête dans l’air ne ressent pas les signaux envoyés par les pieds dans l’eau.

 

Ici et maintenant

Que l’on ne croit pas que la montée des eaux est une hypothèse lointaine, qu’elle ne concernera que nos petits enfants, que cela n’affectera que quelques falaises qui dans cinquante ans peut-être montreront des signes plus significatifs d’érosion.

La montée des eaux est déjà perceptible lors de certaines grandes marées ou événements climatiques forts. Dans l’eau des puits en basse zone ils deviennent saumâtres alors que ce n’était pas le cas avant.

L’érosion des falaises s’est accélérée sous l’action des tempêtes plus fortes combinée à un changement de pluviométrie qui s’ajoute à l’urbanisation excessive, ce qui intensifie le ruissellement.

Et sur le sujet des submersions, les cartes de simulation montrent parfaitement ce qui va se passer chez nous… d’ici une vingtaine d’années. Si tôt, si proche.

hausse niveau mer iroise
Zones de submersions sur la pointe nord du Finistère (sources Climate Central)
zones urbanisées sous l'eau en 204°
Zones urbanisées périodiquement sous l'eau en 2040 près de Ploudalmézeau )
le forum du trezhir
Plougonvelin : le forum périodiquement sous l'eau vers 2040
Plougonvelin : le front de mer périodiquement sous l'eau vers 2040
la ria du conquet
Le Conquet : la route de l'étang de Kerjean régulièrement sous l'eau vers 2040
montée des eaux au conquet
La ria du Conquet vers 2040

À la lecture de ces cartes et en regardant ces photomontages, il apparaît incompréhensible que le sujet ne soit pas un des thèmes majeurs des élections en cours.

Vous avez peur des flux migratoires ? Vous avez tout à fait raison, mais les migrants seront des migrants climatiques et ce sont pour une bonne part nos voisins, dans nos communes qui devront laisser leur habitation à cause des « aqua alta » de plus en plus fréquentes et de plus en plus hautes.

Le thème de l’insécurité vous préoccupe ? Vous avez tout à fait raison, mais l’insécurité demain sera majoritairement due aux conséquences de l’imprévision des politiques publiques qui n’auront pas anticipé à temps le chaos économique engendré par la destruction des biens et le déplacement des personnes.

L’avenir de l’agriculture vous importe ? Vous avez là aussi raison mais les défis de l’agriculture demain sur notre territoire concernent la diminution des terres, non pas agricoles, mais simplement encore cultivables suite à la salinisation des sols et la difficulté à trouver les meilleures espèces adaptées aux nouvelles conditions de température et d’hygrométrie.

Vous souhaitez plus d’entreprises et d’innovation sur notre territoire ?  Oui là encore vous avez raison, mais des entreprises armées pour répondre aux défis d’un territoire bouleversé.

Conclusion

Nous savons ce qui va arriver. Nous savons que l’échéance est courte. Tant que nous n’avons pas les pieds dans l’eau il est encore temps d’agir ! Et, bonne nouvelle, nous avons pas mal de solutions disponibles et d’actions possibles, qu’elles soient techniques, financières, administratives, humaines. Beaucoup de citoyens et d’associations ne demandent qu’à passer à l’action concrète. Mais si nous continuons à avoir des débats politiques en dehors de toute réalité alors le chaos nous attend. Il n’est plus temps d’avoir peur, d’éviter de nommer les choses pour faire « comme si ». Ce que nous comprenons intellectuellement doit être compris dans nos tripes. Pour les élections présidentielles et législatives à venir il faut vraiment faire un choix politique pour agir rapidement, comme si notre avenir en dépendait. Parce que c’est le cas.

Compléments

Partout dans le monde, des choses sont tentées et réussies. Cette carte interactive en recense une partie. Les solutions à nos problèmes ont peut-être déjà été mises en œuvre ailleurs. Agissons !

5 commentaires

    1. Le programme de Cap Plougonvelin comportait des projets concrets pour retarder la montée des eaux au TrezHir et pour stopper l’imperméabilisation des sols par exemple.
      C’était un début nécessaire, mais pas suffisant.
      Pour passer à la suite et à quelque chose d’ampleur, il faut être élu majoritaire et pour l’instant à Plougonvelin et sur la CCPI impossible d’avancer.

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