Date : 15/07/2022
Sujet :
Voici le quatrième épisode du feuilleton de l’été publié par le collectif citoyens d’Iroise.
En qualité de membre du collectif des Citoyens d’Iroise, je relaie ici un travail collectif qui sera publié sous forme de feuilleton.
Résumé des épisodes précédents : certaines plages d’Iroise sont fermées préventivement avant chaque épisode de pluies importantes, dans la plus grande discrétion, et en raison d’importantes pollutions bactériennes. À la CCPI, tandis que nos élus majoritaires restent flous sur les causes de ces pollutions et font semblant de chercher, celles-ci sont désormais installées, réelles, massives et récurrentes. Aidons-les à en identifier les origines…
Et si la pollution provenait en fait des élevages intensifs ?
A l’évidence, les explications douteuses des pouvoirs publics (la pluie, les chiens, les chevaux, les mouettes, …) n’expliquent rien : les pollutions sont bien là, et il semblerait qu’officiellement on ne sache toujours pas d’où elles viennent.
⇨ La solution logique serait évidemment d’aller à la recherche des pollutions et des pollueurs : repérer les fuites des réseaux d’assainissement, les installations défectueuses, et surtout – puisque c’est visiblement de là que viennent les pollutions – remonter dans les bassins versants pour rechercher les sources de bactéries qui s’y trouveraient. Pas besoin d’être Sherlock Holmes pour mener une telle enquête.
⇨ Et pourtant, cela ne semble pas être la solution retenue…
Le SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux du Bas-Léon) a pour rôle de gérer la qualité de l’eau en Iroise ; il estime visiblement que celle-ci est suffisante, et ne mène aucune
action visible allant dans le sens d’une amélioration. Pas plus que la CCPI, ni les maires, dont c’est pourtant la compétence. Rappelons que derrière ce problème il y a un impératif de santé publique.
Tout le monde préfère semble-t-il regarder ailleurs ou utiliser, sans la moindre justification scientifique, des techniques mal maîtriséesv comme par exemple celle des marqueurs bactériens. Ceci permet de braquer ainsi le projecteur sur des pollutions locales mineures comme quelques fientes d’oiseaux de mer et éviter de rechercher les pollutions massives lointaines que ces moyens ne permettent pas de détecter.
Des techniques qui s’avèrent sensibles surtout aux sources proches et aux pollutions récentes. Pourquoi ce choix bizarre ?
Pas si bizarre que cela, en fait. Les maires d’Iroise sont bien conscients que cette approche logique d’une recherche des sources de pollution massive ne peut conduire qu’à de gros ennuis : dès lors qu’on remontera les cours d’eau d’Iroise, on arrivera inévitablement sur des zones d’épandage qui participent forcément et de toute évidence à créer des pollutions, parfois massives, forcément répétées.
⇨ Rappelons en effet que sur le territoire de la CCPI, et donc sur les bassins versants de toutes ces plages polluées, on épand les déjections de centaines de milliers d’animaux, porcs et bovins, qui sont quasiment dix fois plus nombreux sur ce territoire que les habitants humains. Et si on a bien lu les études scientifiques (notamment celles d’IFREMER), on sait qu’en termes de flux bactériens – c’est-à-dire les quantités de bactéries produites chaque jour – un bovin vaut 5 humains, et un porc 30 humains !
Ce sont donc finalement les « eaux usées » provenant d’élevages étant l’équivalent de plusieurs millions d’humains qui sont ainsi rejetées sans aucun traitement sur les champs de la CCPI, et lessivées à chaque pluie.
Rien à voir donc avec les quelques centaines d’humains dont les eaux usées ne seraient pas traitées correctement, ou les quelques dizaines d’oiseaux de mer qu’on pourrait trouver aux environs de chaque plage.
⇨ De toute évidence, voilà une explication extrêmement vraisemblable à ces pollutions répétées : stockés parfois plusieurs semaines dans les fosses à lisier qui constellent le territoire, les effluents de ces animaux sont épandus sur les champs afin de les fertiliser, mais aussi de se débarrasser de déchets encombrants… Et lorsque survient la pluie, elle lessive les bassins versants et les bactéries se retrouvent dans les ruisseaux qui se déversent sur les plages.
Tout s’expliquerait donc ? Sauf qu’en Iroise ça ne peut pas être, cela ne doit pas être politiquement la bonne explication !
En Iroise, politiquement, on ne voit pas les épandages ni les tonnes à lisier liés aux élevages intensifs, on ne sent pas les effluves, on ignore l’existence d’algues vertes, et on estime surtout que l’élevage intensif ne saurait être mis en cause. Surtout quand les intérêts économiques ont des relais à différents niveaux de l’exécutif, à la fois de la CCPI et du SAGE (avec d’ailleurs parfois les mêmes personnes dans les deux structures).
Pour les maires, mieux vaut donc ne pas chercher trop loin. Ils n’auraient rien à y gagner et ils pourraient même y perdre en termes d’accès aux financements communautaires, sans oublier les frictions directes.
⇨ Il faut garder à l’esprit que, dans cette logique, il ne peut pas être question de supprimer les épandages, car c’est tout le système qui s’en trouverait fragilisé : sans surface d’épandage, pas d’élevage intensif de porcs (la méthanisation ne peut pas absorber actuellement tant de lisier). Le secteur agro-industriel ne peut apparemment pas envisager de traiter correctement ses effluents comme le font les humains, son modèle économique déjà plus que fragile et régulièrement en crise ne s’en remettrait pas.
S’agit-il de déchets ? Oui. Car si on peut toujours expliquer que les nitrates sont des nutriments indispensables aux cultures, même si l’environnement, et depuis peu l’ANSES, sont à l’évidence d’un avis contraire, les bactéries sont évidemment des pollutions, elles représentent également un risque sanitaire.
Sinon, pourquoi contraindrait-on les humains à traiter leurs propres effluents dans de coûteuses stations d’épuration ? Pourquoi alors ne pas les épandre aussi sur les champs, au même titre que les « effluents » d’élevage ? Après tout, ce sont aussi des engrais.
Prochain épisode
Ne pas nommer les problèmes c’est accepter de ne pas les résoudre,
éventuellement au profit de quelques uns, à l’évidence au détriment de
tous.
⇨ Concrètement, personne parmi les décideurs (collectivités ou État) n’ose envisager de supprimer cette pollution ; mais à défaut de la faire disparaître des eaux de baignade, pourquoi ne pas la faire disparaître des statistiques ? Et c’est justement ce qui se produit en Bretagne, grâce à un très joli tour de magie. Et tant pis pour le prestidigitateur (spoiler : c’est l’ARS…), nous allons vous révéler ses tours en exclusivité. Pour cela, il va lui falloir contourner une législation européenne bien faite, mais qui n’a pas envisagé que l’État viendrait au secours des pollueurs pour les aider à camoufler leurs forfaits…
⇨ C’est ce qu’on verra dans le prochain épisode…