Agriculture, Urbanisme, Climat : décider. Ou pas.
Agriculture, Urbanisme, Climat : décider. Ou pas.

Agriculture, Urbanisme, Climat : décider. Ou pas.

fillettes campagne

Date : 08/02/2024

Sujet :

Quelques réflexions sur l’agriculture et l’urbanisation face au défit du changement climatique

 

 

Une décision communautaire à contre-courant

Lors du conseil communautaire de la CCPI en février 2024, il a été proposé de modifier le PLU (Plan Local d’Urbanisme) de Plougonvelin.

Une des modifications proposées était liée à un reclassement de parcelles agricoles en
parcelles constructibles.

Ce reclassement avait été jugé problématique par la Mission Régionale de l’Autorité environnementale (MRAe) dans son avis du 30 novembre 2023.

Les constats de la MRAe étaient parfaitement clairs :

Avis de la MRAe
 
  • les motivations avancées par la municipalité sont factuellement incorrectes (croissance alléguée de la population de 1.25% alors que l’INSEE constate 1.1%) et les objectifs de construction déjà dépassés avec 109% de réalisé deux ans avant la fin prévue par le Plan Local de l’Habitat (PLH)
  • mais surtout, ces parcelles à construire viendraient prendre des terres cultivées.
La CCPI, à la demande de la commune de Plougonvelin, a donc validé une destruction de terres agricoles pour laisser construire des logements. L’argument de la nécessité de construire « par solidarité territoriale » ne tient par ailleurs pas puisque Plougonvelin a tenu ses objectifs ce qui n’est pas le cas de toutes les communes de la CCPI.
Cette disparition de terres agricoles a forcément des conséquences économiques sur un secteur agricole qui criait sa détresse il y a quelques semaines encore et un impact négatif sur l’artificialisation des sols alors que la politique nationale essaye désespérément d’arrêter ce mouvement.
Dans le cas présent, il est évident que les promoteurs de l’opération immobilière seront gagnants alors que nous serons collectivement tous perdants, nos agriculteurs encore plus que les autres. On regrettera aussi le peu de cas fait des textes de cadrage du développement du territoire : à quoi sert-il d’investir du temps et de l’argent sur des textes comme le SCOT (schéma de cohérent territorial) et autre PLH si on peut si facilement passer outre sans conséquences?
 
Ceci n’est pas le fruit d’une bonne politique d’urbanisme et c’est aussi mauvais pour l’économie agricole locale.

Quel urbanisme voulons-nous ?

Le cas des 3 parcelles de Kerjérome est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Mais faut-il encore savoir ce que les citoyens veulent comme politique de l’urbanisme.

Ville ou village de campagne ?

Nous approchons à grands pas des 5000 habitants (hors saison). Nous sommes donc à un stade où il faut décider si Plougonvelin doit rester au niveau du gros village au bout de la pointe d’Iroise ou passer au stade supérieur d’une petite ville. La différence n’est pas qu’au niveau du nombre des habitants, surtout si cette ville ressemble à un des dortoirs de Brest.
Alors, vous choisissez ville ou village ?

Station balnéaire ou pas ?

Plougonvelin est connue pour son attractivité de station balnéaire. C’était clairement la volonté politique des années 1980-2000, mais depuis qu’est-ce qui a été dans ce sens ?
Les équipements touristiques privés et publics ont vieilli et ne se sont pas assez développés. En tant que station balnéaire la commune vit sur ses heures de gloire et à l’image de la façade de la piscine, mieux vaut ne pas aller regarder de trop près.
Les hébergements touristiques ne se sont pas beaucoup développés et le nombre de résidences secondaires a tendance à baisser. La dynamique n’est pas porteuse d’un avenir radieux pour l’économie touristique plougonvelinoise.
Voulons-nous développer les infrastructures touristiques et l’économie qui va avec ?

Accueillir des habitants venus d’ailleurs ou garder nos enfants ?

Avec le COVID, nombre d’habitants des grandes villes ont trouvé un réel intérêt à venir chez nous télétravailler. Ils apprécient notre qualité de vie. Mais un peu moins les problèmes d’infrastructure ; la lenteur du déploiement de la fibre promise chaque année à Noël chez tous et l’électricité parfois durablement coupée après le passage de Ciaran rappellent que nous sommes une commune au bout du monde, ce qui n’a pas que des avantages.
Sommes-nous prêts à investir, et pas qu’un peu, pour garantir une qualité des services publics ?
 
Parallèlement, l’attractivité de la commune fait de Plougonvelin une des communes les plus chères du Finistère pour le foncier. Comment dans ces conditions garder sur la communes nos jeunes qui voudraient y rester mais dont peu ont les moyens suffisants. Des mécanismes complémentaires à la location existent, comme les baux emphytéotiques pour les propriétaires. Faut-il encore là aussi vouloir mettre en place la politique et les fonds nécessaires.
Le type même d’habitat s’avère inadapté à la période actuelle. Les logements anciens sont souvent trop grands pour des familles devenues plus petites. Une des façons de moins consommer de foncier est de restructurer les grands logements en logements plus petits, voire lorsque c’est possible, de créer des ensembles avec des parties communes (buanderies, cuisines communes, salons communs, etc…).
Voulons-nous gardez nos enfants et adapter nos logements ?

Des infrastructures taillées pour le siècle dernier

Dans une grande partie de Plougonvelin, se croiser à deux voitures offre l’occasion de saluer le conducteur d’en face puisqu’il faut a minima ralentir pour passer… Quand aux chauffeurs de bus ils doivent sans doute avoir un brevet spécifique pour pouvoir circuler sur nos routes, les facteurs sont devenus experts en tours et détours pour aller d’impasses en culs de sac et tout jeune livreur aura le droit de maudire son GPS qui ne trouve pas sa destination.
On peut certes aller à Brest en transport en commun (si le car passe) mais mieux vaut faire du stop pour se déplacer à Saint Renan. En clair, la population a largement grossi en trente ans, mais pas nos routes et se déplacer devient plus compliqué de jour en jour.
L’urbanisme ne se limite pas à délivrer des permis de construire ; sans gestion des flux humains et de marchandises cela tourne forcément au cauchemar.
Quelle politique du transport voulons-nous pour notre commune ?

Un style Plougonvelin ou la joyeuse anarchie ?

Plougonvelin, contrairement à beaucoup de communes en Iroise, n’a pas de style architectural. Entre les quelques bâtiments fin XIXème / début XXème siècle qui ont survécu et l’odysée de quelques cubes noirs qui sont apparus, nous trouvons de tout. Définir un style ne nécessite pas d’imposer de gros travaux (ce qui n’est de toute façon pas envisageable) mais permet d’introduire des touches qui dans le temps finissent par créer un début d’harmonie.
Devons-nous réfléchir à un style Plougonvelin ou laissons-nous libre cours à l’expérimentation architecturale ?
Evolution des construction à Plougonvelin dans le temps
Urbanisme à Plougonvelin en 2023

Quelle place pour nos paysans ?

Années après années, le nombre d’agriculteurs diminue sur la commune. Ils sont éliminés à la fois par un système économique qui les broient et l’urbanisation qui mange inexorablement leur principal capital de production : la terre.

Voulons-nous décider les garder ?

Face aux défis structurels économiques de leurs métiers, aux impacts du changement climatique sur les cultures, à l’urbanisation que nous décidons ou laissons mettre en place, la survie d’une agriculture vivrière sur le territoire de la commune se pose.
En l’état actuel des choses, il est plus simple et plus rentable pour nos agriculteurs de transformer leur activité en production d’énergie ou en hébergement touristique que de continuer dans de telles conditions.
Leur maintien ou pas sur le territoire de la commune dépend largement de la politique que nous déciderons :
  1. aussi bien sur l’arrêt de la suppression de leurs espaces de production 
  2. que sur les efforts que nous pourrons faire sur l’organisation de la distribution locale de leur production, 
  3. de sa promotion 
  4. et de l’assistance structurelle que nous déciderons de leur apporter.

N’oublions pas que notre qualité de vie et l’attractivité touristique dépendent en partie du fait que nous avons des paysages agricoles non ravagés.

Alors, voulez-vous décider d’une politique pour conserver les agriculteurs de la commune ou attendons-nous que le temps fasse son oeuvre ?
 

L’impact de la crise climatique qui débute

Les impacts du changement climatique se font désormais ressentir, et parfois durement. Les vents à 193km/h de Ciaran, l’arrivée du phénomène météorologique des rivières atmosphériques (le rhum express pour ce qui nous concerne), l’explosion continue depuis un an des records de température, l’accélération de la hausse de la montée des océans qui semble avoir passé le seuil des 1cm / an (moyenne de 0.8 cm/an sur les 15 dernières années) … tout cela impacte nos vies.
Montée des eaux

Voir également la page du SHOM sur l’évolution du niveau de la mer au port de Brest.

Les paysans subissent également les conséquences négatives et ces changements défient leurs connaissances et leurs pratiques en matière de production. En Iroise nous ne sommes pas au niveau catastrophique des Pyrénées Orientales et du Roussillon où un phénomène de désertification semble avoir commencé, mais un sérieux problème nous fait face.
Il est probable que l’agriculture soit notre meilleure chance de passer correctement à l’après crise climatique. Les objectifs d’une politique locale pour lutter contre ces impacts pourraient être
  1. d’adapter les paysages aux futures conditions. Nous ignorons encore s’il fera plus sec ou plus humide, mais dans un passé pas si lointain nos agriculteurs ont su créer des étangs pour lutter contre des épisodes de sécheresse (ils existent toujours sur notre territoire). Un ensemble de retenues d’eau naturelles (mares et étangs) permet d’amortir les effets des fortes pluies et de passer les périodes de sécheresse. Ces retenues d’eau peuvent aussi être d’excellents filtres naturels contre la pollution. Ils permettent de développement des zones boisées et d’abreuver le bétail.
  2. Si nous devons reboiser en cas d’inadaptation des espèces actuelles, qui peut le faire sinon les agriculteurs ?
  3. Si nous devons reconstituer les talus stupidement détruits pour répondre aux effets pervers des normes, qui peut le faire sinon les agriculteurs ?
  4. Si les circuits de distribution alimentaire venant de pays incapables de produire comme avant à cause des impacts climatiques venaient à être très perturbés, qui pourraient prendre le relais sinon les agriculteurs ?
  5. Et tant d’autres impacts dont nous avons du mal à prendre la mesure…
Devons-nous réfléchir à une politique pour conserver nos agriculteurs et nous armer au mieux pour combattre la crise climatique qui débute ?
Sources Dr. S. Zaka

Conclusion

Pour écrire ce billet je suis parti d’une décision cul par dessus tête de la commune et de la CCPI, mais décision qui est tellement représentative de la façon actuelle de faire de la politique. Quelques intérêts personnels réussissent à faire prendre des décisions, en apparence peu impactantes (il ne s’agit « que » de trois parcelles) mais qui en fait cachent notre renoncement à faire ensemble de la politique, c’est-à-dire décider de ce que nous devons faire pour l’intérêt commun.

Décider si nous voulons vivre dans un village ou une ville, décider si nous voulons garder nos enfants dans notre commune, décider de quel type d’économie nous voulons localement, décider de la mort ou de la vie d’une économie agricole, décider si nous voulons nous battre contre les conséquences de la crise climatique.

Vous décidez quoi ?

cap plougonvelin

3 commentaires

  1. sanquer

    bonsoir, j’ai bien peur, qu’hélas , il soit difficile de faire machine arrière pour nos élus convaincus de dire vrai . Or les scientifiques alertent depuis un moment .. et les gens qui ont du bon senss’en rendent compte . Mais comment faire ? Je dois avouer ne pas avoir de réponse à part agir tel le colibri et convaincre avec des arguments entendables par tous

  2. Pour aller plus loin :

    Articles sur l’urbanisme et l’environnement à Plougonvelin

    Urbanisme et artificialisation des sols:

      « Artificialisation des sols : un défi pour l’avenir de la Bretagne » – Le Télégramme, 14 novembre 2023
      « Lutte contre l’artificialisation des sols : la Bretagne s’engage » – Ministère de la Transition écologique et solidaire, 25 février 2023
      « Zéro artificialisation nette : un objectif ambitieux et nécessaire » – France Nature Environnement, 10 octobre 2022

    Attractivité touristique et développement économique:

      « Tourisme durable : la Bretagne en pointe » – Région Bretagne, 1er juillet 2023
      « Développement économique : les clés du succès pour la Bretagne » – CCI Bretagne, 20 février 2023
      « L’attractivité touristique de la Bretagne : un atout pour l’économie locale » – Atout France, 15 décembre 2022

    Qualité de vie et services publics:

      « Qualité de vie : la Bretagne se classe en tête des régions françaises » – Le Figaro, 12 janvier 2024
      « Services publics : la Bretagne investit pour l’avenir » – Conseil régional de Bretagne, 5 octobre 2023
      « L’accès aux services publics : un enjeu majeur pour la Bretagne » – Association des maires de France, 15 mars 2022

    Habitat et logement:

      « Logement : la Bretagne face à la crise » – Ouest-France, 25 novembre 2023
      « Accession à la propriété : un rêve inaccessible pour de nombreux Bretons » – Se loger en Bretagne, 1er février 2023
      « Habitat : la Bretagne doit se mobiliser » – Fondation Abbé Pierre, 14 octobre 2022

    Agriculture et crise climatique:

      « Agriculture et changement climatique : les défis à relever en Bretagne » – Chambre d’agriculture de Bretagne, 15 décembre 2023
      « L’agriculture bretonne face à l’urgence climatique » – Le Monde, 8 août 2023
      « Crise climatique : l’agriculture bretonne peut-elle s’adapter ? » – TV Rennes, 20 avril 2022

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